Le 7 décembre 2020, plus de 400 œuvres d’art ont été distribuées gratuitement à 170 familles. Sous le nom de RECUP’ART, ce projet initié par Cultureghem est une façon d’apporter un peu de poésie, de beauté et de soutien mutuel en ces temps de pandémie. Nous sommes allés découvrir cette initiative de plus près, avec l’une de celle qui a prêté main forte au projet : Sarah.

Il est 11h lorsque nous rencontrons Sarah sur l’emblématique site des Abattoirs d’Anderlecht, connu pour ses deux grandes statues de taureaux à l’entrée et sa magnifique halle couverte à l’arrière. Il se passe toujours quelque chose dans le dernier abattoir de Bruxelles encore en activité. La halle couverte héberge un marché, au sous-sol on produit des champignons et il y a Cultureghem qui apporte une dimension culturelle, sociale, éducative et sportive à ce lieu. Un endroit à l’image de la diversité de Bruxelles.

Avec douceur et enthousiasme, Sarah nous accueille sur ce lieu qu’elle connaît comme sa poche. C’est en avril 2020 qu’elle a rejoint l’équipe des bénévoles, la Dreamteam pour les intimes.

Le hall couvert de l'abattoir © Les élèves de l'Institut des Soeurs de Notre-Dame

De la nourriture pour l'esprit

Chez Cultureghem ils sont les pros de la récup’. Ils le prouvent en cuisinant chaque semaine de nombreux invendus alimentaires provenant du marché et en distribuant tous les lundis des colis alimentaires. Alors que cette crise nous isole davantage et renforce les fractures sociales, ils ont trouvé les moyens de poursuivre leurs activités, et même plus ! Cet été, pour soutenir des artistes et apporter plus de réconfort aux personnes dans le besoin, ils ont lancé RECUP’ART : un appel à tout artiste désireux de partager son travail d’une façon inédite. En effet, l’idée est d’ajouter les œuvres d’art aux colis alimentaires, car comme ils le disent si bien chez Cultureghem « En ces temps durs de pandémie, nous avons besoin de nourriture, mais aussi de beauté et de nourriture pour notre esprit. »

Environ 80 artistes belges et des quatre coins de l’Europe ont répondu à l’appel. Au final, 28 artistes ont été sélectionnés par un jury, dont Lasso a fait partie. Un des critères principaux était le format : l’œuvre ne doit pas dépasser le A4 pour pouvoir facilement être distribué avec le colis. Par ailleurs, le jury a tenu compte de la diversité des œuvres en termes de styles, de disciplines, d’accessibilité, dans l’idée d’offrir un large panel à des personnes pour qui l’accès à l’art n’est pas une évidence.

Le projet RECUP’ART souhaite parler au plus grand nombre et veut proposer une offre à l’image des visiteurs du marché, c’est à dire multiculturelle. Sarah donne d’abord un coup de main en traduisant vers l’arabe les fiches descriptives qui accompagnent chaque œuvre. Très vite, elle se prend d’affection pour ces artistes qu’elle découvre au travers de sa lecture. Alors qu’elle-même se dit novice en art, elle suit finalement toutes les étapes du projet avec le plus grand soin et intérêt. Dans le courant de l’automne, les œuvres arrivent une par une et Sarah se charge de leur emballage en vue de la distribution. On la nommerait bien « gardienne » ou « protectrice » des œuvres tellement il est important pour elle de jouer un rôle dans la bonne passation de celles-ci.

Après les (œuvres d'art) avoir toutes emballées, j'ai vraiment eu l'impression qu'elles étaient mes enfants.

- Sarah

À chacun son œuvre

Lundi 7 décembre, le jour de la grande distribution des œuvres est arrivé. Tandis que de nombreuses personnes récupèrent des denrées alimentaires sous l’immense halle couverte, Sarah se tient juste à côté, à un stand avec Anne & …. Là, les personnes peuvent s’arrêter un instant et choisir en guise de présent de fin d’année, une surprise artistique. En effet, chaque œuvre est emballée, impossible donc de savoir à l’avance ce qu’il s’y trouve.

Derrière eux, se tient un grand panneau avec une série de questions et un code couleurs. Le vert pour la poésie, le rose pour les arts visuels, le bleu, à destination des enfants. Une façon d’entrer en discussion, de guider les gens dans leur choix, et de se questionner ensemble sur le sens de l’art… afin d’espérer créer, au bout du compte, un match entre une personne et une œuvre.


L'équipe devant le panneau 'decision making tree'
Le 'decision making tree'

Certains étaient vraiment enthousiasmés par le projet, d'autres voulaient juste quelque chose pour leur enfant. Peu importe quoi. D'autres voulaient se faire un cadeau. Certains ne savaient pas ce qu'ils voulaient et m'ont demandé de choisir. J'ai continué à poser des questions pour avoir une idée de ce que je pourrais leur offrir.

- Sarah

Ce jour-là, tout type d’œuvres ont été distribuées : des dessins, des collages, des kits de bricolage pour enfants, … Certaines ludiques (Recup Your Memory - Larissa Viaene & Nousjka Daniëls - BE), d’autres avec une pointe d’humour (Een Velletje Hoop - Gerben Hermanus - NL) ou encore avec beaucoup de poésie (Mirjima Siim - PT).

Aujourd’hui, elle nous partage avec un grand sourire - derrière son masque - , plusieurs anecdotes. Elle se rappelle des discussions et débats en arabe autour du stand, de l’unique œuvre photo qui devait tomber dans les mains d’un passionné et de ce garçon de 12-13 ans qui a opté pour la poésie. Lorsqu’on lui demande quel artiste elle aimerait rencontrer, elle répond sans hésitation : Sobiepanna & ses illustrations de fruits & légumes, parfaitement dans le thème de Cultureghem. Après nous avoir fait revivre cette aventure, c’est avec bonne humeur et avec une œuvre sous le bras, que nous prenons congé de Sarah.

Chaque membre de la grande famille de bénévoles a également reçu une œuvre d’art. Une façon de rappeler, que sans eux, le projet de Cultureghem ne serait pas le même, et que le plaisir du partage n’aurait pas la même saveur.


RECUP'ART a été rendu possible grâce au soutien de la European Cultural Foundation et de Elke Roex, échevine de la culture, de la jeunesse et de la société, du maire Fabrice Cumps et du collège des échevins de la commune d'Anderlecht. Pour plus d'informations : anne@cultureghem.be.


Sarah Aljalal

  • 23 ans
  • Originaire d’Arabie Saoudite
  • Habite depuis 5 ans à Bruxelles
  • Aimerais continuer des études de business
  • Son match artistique : Day Dreaming de Zita Christie, qui allie poésie et dessins.
  • J’ai choisi pour la poésie car j’en lis en arabe, mais je voulais vraiment savoir à quoi ça ressemble en anglais. En plus, peu de gens étaient intéressés par les œuvres de la catégorie poésie. Ma question était pourquoi? J’ai donc opté pour la poésie afin de voir ce que je pouvais en tirer.“