Au sein d'Art Inclusive, Lasso met en place des collaborations entre des organismes de cohésion sociale et des partenaires artistiques. Ce faisant, nous recherchons spécifiquement des acteur.ice.s qui souhaitent être sensibles aux personnes handicapées. En effet, malgré l'attention croissante portée à l'inclusion dans le secteur artistique, la pratique est quelque peu à la traîne et l'expertise en matière de travail sensible au handicap est très fragmentée. Avec ce projet, nous voulons non seulement acquérir de l'expérience, mais aussi l'enregistrer et la partager. Dans cet article, nous revenons sur notre première année de fonctionnement du projet.

Ateliers expérimentaux : apprendre de l'expérimentation

Pour Art Inclusive, nous ne sommes pas partis de grandes théories, mais de la mise en place de collaborations expérimentales entre l'aide sociale et les partenaires artistiques. Dans ces "ateliers expérimentaux", l'objectif principal est d'apprendre de la pratique. Dans un premier temps, nous avons cherché à savoir quels organismes sociaux souhaitaient développer une offre artistique pour leurs bénéficiaires et quels acteurs artistiques voulaient s'engager en faveur de l'accessibilité pour les personnes handicapées. Au cours de cette phase de médiation, nous avons écouté notre intuition plus d'une fois.

Les organisations sociales doivent être convaincues que la participation culturelle peut apporter une valeur ajoutée à leurs clients et doivent avoir la capacité interne de soutenir et d'évaluer un projet en leur sein.

- Beatriz Klewais, chargée de projet

Après de longues délibérations, nous sommes parvenus à une sélection de quatre organisations sociales. Atlantis est un internat pour jeunes atteint.e.s de troubles du spectre autistique et de déficiences visuelles. Un circuit d'excursion a été élaboré en fonction de leurs intérêts. Le public de Hubbie, une organisation qui soutient les personnes en situation de handicap dans leur vie, leur travail, leur apprentissage et leurs loisirs, a pu participer à divers ateliers artistiques. TOOP, la section Bruxelles du Centre Médical Pedagogique Sint-Fransciscus, s'adresse aux jeunes âgé.e.s de 12 à 21 ans souffrant de handicaps mentaux modérés à sévères. L'artiste Joan Somers Donnely est allée travailler avec elleux.

Avec la dernière organisation , Groep INTRO, la collaboration a été légèrement différente dans son intention. Ce groupe d'expert.e.s de terrain s'est notamment engagé via la collaboration HandiKNAP à sensibiliser les organisations de loisirs au handicap. HandiKNAP a ainsi visité trois festivals artistiques qui s'efforcent d'inclure les personnes handicapées. Après leur visite, iels ont fourni un retour d'information et des recommandations aux festivals en question, à savoir : « het Theaterfestival », le KunstenFestivaldesArts et Plazey.

Une chose est claire : la mise en relation des organismes de cohésion sociale et de leurs bénéficiaires avec des initiatives artistiques et/ou des artistes est un travail sur mesure. Pour commencer, les intérêts et les talents personnels ont souvent été sondés. Cela s'est fait en discutant avec les conseiller.ère.s et le public. Sur la base de ces discussions, des activités culturelles non contraignantes ont ensuite été proposées. Par exemple, les jeunes d'Atlantis ont montré de l'intérêt pour une exposition de boxe au MIMA et pour l'Expérience Van Gogh. Lasso a alors organisé les voyages et chaque jeune était libre d'y participer ou non. En même temps, un équilibre a été recherché entre les intérêts existants et les nouveaux éléments qui pouvaient mettre le groupe un peu au défi.

Pour Hubbie, nous avons dessiné un parcours qui pouvait se dérouler à l'intérieur du centre, car les déplacements ne sont pas évidents pour ce groupe. J'ai quand même voulu essayer. J'ai cherché une exposition qui pourrait les stimuler visuellement et j'ai imprimé des photos pour mesurer leur intérêt. Beaucoup de clients de Hubbie ne peuvent pas s'exprimer verbalement, mais certains ne voulaient pas rendre les photos, et on pouvait aussi lire dans leurs expressions faciales : J'aimerais voir ça en vrai !

- Beatriz Klewais

Les participant.e.s avaient des motivations diverses. Certain.e.s ont participé pour l'aspect social, d'autres par intérêt artistique.

Lors de l'une des sorties, plusieurs clients de Hubbie ont souhaité prendre un café dans une brasserie, car c'est aussi très exceptionnel pour eux. Dans un tel moment, le rapport avec l'art n'a pas vraiment d'importance. Il suffit de le faire.

- Beatriz Klewais

Des seuils au pluriel

Pour ces personnes, le seuil de participation à l'offre culturelle générale est élevé. Art Inclusive a permis à Lasso de se rendre compte qu'il existe de nombreux obstacles. Tout d'abord, l'accessibilité joue un rôle majeur. En effet, se déplacer n'est pas toujours évident pour les personnes moins mobiles, tout comme une activité en soirée n'est pas évidente pour les malvoyant.e.s, qui se sentent parfois en danger dans l'obscurité. La question se pose alors de savoir où se situe la responsabilité. Supposons qu'en tant qu'institution culturelle, vous mettiez l'accent sur l'accessibilité, alors que les personnes en situation de handicap ne peuvent ou ne veulent pas venir chez vous. Est-il alors de votre devoir de prendre en compte l'ensemble du parcours d'une personne ? Suffit-il de guider la personne depuis l'arrêt de bus le plus proche ?

L'importance de l'accueil et de l'orientation personnels est également sous-estimée. Le personnel n'est pas toujours formé pour s'occuper des personnes en situation de handicap, ou veut parfois appliquer les règles en vigueur de manière trop stricte, manquant ainsi de flexibilité.


Il est également important de garder à l'esprit que chaque personne a des intérêts, des préférences et des besoins différents. Un spectacle sans paroles peut être moins adapté à une personne aveugle, mais tout à fait idéal pour les personnes facilement surstimulées. Il peut donc être utile d'aider les personnes en situation de handicap à s'orienter dans le programme.

Enfin, l'œuvre présentée aura toujours des limites pratiques. Vous pouvez vouloir être inclusif.ve, mais si un.e créateur.ice veut obscurcir la salle pour des raisons artistiques, iel manquera de flexibilité vis-à-vis des visiteur.euse.s malvoyant.e.s. Cependant, vous pouvez créer un spectacle et voir ensuite comment vous pouvez l'adapter pour le rendre accessible, ou fournir une médiation spécifique pour les personnes handicapées.

Vous pouvez également façonner une création dès le premier jour du processus de création avec un état d'esprit inclusif. Par exemple, le concept de "spectacles détendus" s'installe peu à peu à Bruxelles. Les jeunes d'Atlantis ont assisté à l'une de ces représentations détendues : “Permit, oh permit my soul to rebel” par la compagnie de cirque belge Side-Show. Les créateur.ice.s ont fourni une pochette avec les indications pour se rendre sur le lieu de la représentation et un story-board du spectacle, afin de se préparer à des moments de tension ou à des bruits forts. La lecture du dossier n'était toutefois pas une obligation, mais une option pour celleux qui souhaitaient être bien préparé.e.s. Par la suite, les jeunes de l'Atlantis se sont extasié.e.s. Conclusion : la création d'œuvres artistiques dans un esprit d'intégration est payante !


Êtes-vous un.e artiste ou une organisation artistique désireux.se d'en savoir plus sur le travail sensible au handicap ? Ou souhaitez-vous, en tant qu'organisme de cohésion sociale, proposer des expériences artistiques à des bénéficiaires souffrant de handicaps physiques ou mentaux ? Nous avons rassemblé une série de conseils et d'astuces pour vous aider à démarrer !