Chaque année, quelques semaines avant le début des vacances d'été, nous organisons notre événement de mise en réseau "Connect & Reflect". A cette occasion, nous réunissons des professionnel.le.s et des bénévoles de divers secteurs le temps d’un après-midi de discussions, d'ateliers et d'échanges autour d'un thème spécifique. Le thème de cette année est le suivant : "Le travail participatif et la co-création". En amont de l'événement, nous interrogeons des personnes ayant une expérience dans ce domaine, comme Charlotte Moerman. En tant que coordinatrice de projet chez Jeugd en Muziek Brussel, elle met en place des projets d'éducation musicale pour les enfants et les jeunes à Bruxelles. La plupart des offres sont réalisées en collaboration avec l'enseignement (préscolaire, primaire et secondaire).

Lasso : Quelle expérience avez-vous en termes de projets artistiques pour les jeunes ?

Pendant l'année, nous proposons des projets d’une semaine, pour les écoles secondaires. L'un de ces projets, c’est Urban Flashmob Break, au cours duquel les élèves créent leur chanson et, à la fin de la semaine, participent à une danse flashmob sur cette chanson, quelque part dans la ville. Il y a aussi Heart of Wood, un spectacle que les élèves créent avec un.e artiste autour de l'histoire philosophique de l'arbre généreux.

En dehors de l'école, il y a aussi Imagine, un concours de musique pour les jeunes de 13 à 21 ans. A Bruxelles, nous réalisons cela en collaboration avec nos collègues francophones de la Fédération de Jeunesses Musicales Wallonie-Bruxelles et avec le Vaartkapoen. Imagine a également une composante internationale car le projet se déroule dans huit pays différents. Les gagnant.e.s du concours national accèdent à la finale internationale.

Avec quels partenaires travaillez-vous ?

Nous réalisons toujours ces projet en collaboration avec une école bruxelloise. L’école fait une demande et nous élaborons un programme sur mesure. L'idée d'Urban Flashmob Break, par exemple, est née de la demande spécifique d'une école, qui voulait faire quelque chose à propos de la nature métropolitaine de Bruxelles. Nous avons alors développé un concept ensemble. Pour les ateliers de danse, nous travaillons avec Urban Center. Pour Imagine, le Vaartkapoen (VK) est un partenaire important. Non seulement au niveau du lieu, mais aussi parce que c’est une manière pour nous de toucher de jeunes talents, par le biais du travail qu’ils.elles font avec les jeunes.

La promotion se fait principalement par le biais des partenaires, de leurs réseaux et du bouche-à-oreille. Les réseaux sociaux ont une portée limitée, seulement lorsque les jeunes connaissent déjà le projet.

- Charlotte Moerman

Comment diffusez-vous le concours auprès des jeunes ?

D'une part, nous diffusons notre appel par le biais de VI.BE, une plateforme qui regroupe toutes sortes d'opportunités en musique. Nous voulons toucher un groupe très large et diversifié de jeunes musicien.ne.s, et des styles musicaux très variés. Nous avons remarqué que les jeunes néerlandophones trouvent notre appel par le biais des clubs de jeunes, des académies, des écoles d'art, etc. C'est pourquoi nous essayons de travailler localement. Grâce au réseau très étendu de l'animation jeunesse et du centre communautaire VK, nous touchons également les jeunes de Bruxelles. Le Vaartkapoen est reconnu pour son travail musical solide et constitue un partenaire idéal pour ce projet.

Nous avons lancé l'appel à candidatures à la mi-décembre et clôturons les candidatures à la mi-mars, afin que tout le monde ait la chance de postuler. La promotion se fait principalement par le biais des partenaires, de leurs réseaux et du bouche-à-oreille. Les réseaux sociaux ont une portée limitée, seulement lorsque les jeunes connaissent déjà le projet.

Comment faites-vous pour que les jeunes restent motivé.e.s tout au long du projet ?

En leur donnant la possibilité de participer réellement, en les encadrant et en les soutenant dans leur travail artistique. Une partie des jeunes ont déjà de l'expérience, d'autres se sont inscrit.e.s avec un enthousiasme spontané. Grâce à différents ateliers, nous les préparons à la performance.

Une chose à laquelle nous attachons beaucoup d'importance est le fait que l’équipe de travail, des entraîneur.se.s aux membres du jury, constituent un beau mélange, issu de milieux variés. C'est essentiel pour toucher les jeunes d'origines mixtes.

- Charlotte Moerman

Il y a aussi le lien entre les participant.e.s qui se développe au cours du processus. Par exemple, le ou la gagnant.e fera la rencontre des autres finalistes nationaux, et nous entendons souvent dire qu'ils.elles restent en contact par la suite. Il ne s'agit pas d'un événement ponctuel, en effet : les expériences et les contacts qu'ils.elles développent sont précieux pour la suite de leur parcours artistique. Nous essayons également de garder le contact avec les participant.e.s des éditions précédentes, en les impliquant dans le jury, les éditions d’après. Certain.e.s deviennent coachs en musique dans le cadre du projet. Nous essayons également de mettre chacun.e en confiance. Les participant.e.s peuvent faire des choix et partager leurs besoins, surtout celles et ceux qui ont plus de 18 ans, à qui on donne plus de liberté.

Pourriez-vous partager certains points qui seraient particulièrement intéressants pour celles et ceux qui travaillent avec des jeunes ?

Une chose à laquelle nous attachons beaucoup d'importance est le fait que l’équipe de travail, des entraîneur.se.s aux membres du jury, constituent un beau mélange, issu de milieux variés. Nous veillons à l’équilibre entre les hommes et les femmes, entre des parcours classiques et des autodidactes (…). C'est essentiel pour toucher les jeunes d'origines mixtes.

Aussi, et c’est une de nos priorités, il faut écouter les besoins des jeunes. Nous sommes à l’écoute ce dont ils.elles ont besoin pour se développer dans leur musique et nous travaillons ensuite à partir de ça. En outre, la coopération avec le Royaume-Uni est, je ne cesse de le répéter, très précieuse pour nous. Ils.elles connaissent très bien les besoins de la jeunesse bruxelloise.

Y a-t-il parfois des jeunes qui abandonnent ?

Cela ne s'est pas encore produit. Ils.elles sont huit du début à la fin ; idéalement quatre néerlandophones et quatre francophones. Les jeunes s’amusent et font des rencontres, ils.elles ont la chance de partir à l'étranger et de gagner un prix. Il y a beaucoup de raisons de garder la motivation.

Ca arrive souvent que les jeunes et les coachs restent en contact par la suite. Même lors des finales internationales, des coachs internationaux.ales sont à la disposition des jeunes pendant tout le week-end. Il ne faut pas sous-estimer l'importance de ces contacts informels qui se nouent.

- Charlotte Moerman

Vous travaillez avec des coachs artistiques. Comment se passe leur interaction avec les jeunes ?

Cela fonctionne bien. Les coachs sont choisi.e.s en collaboration avec les partenaires. Nous recherchons des personnes qui ont à la fois une bonne connaissance du secteur et un bon feeling avec les jeunes. Le coach en gestion artistique, par exemple, est une personne qui s'est retrouvée dans l'industrie musicale après avoir été longtemps animateur de jeunesse.

Il est important pour nous que les coachs sachent comment s'y prendre avec les jeunes. Ca arrive souvent que les jeunes et les coachs restent en contact par la suite. Même lors des finales internationales, des coachs internationaux.ales sont à la disposition des jeunes pendant tout le week-end. Il ne faut pas sous-estimer l'importance de ces contacts informels qui se nouent.

Y a-t-il aussi des choses qui compliquent le processus ?

Dans notre cas, c'est la langue. Si nous pouvons travailler de manière multilingue, tout se passe souvent bien mais si quelqu'un ne connaît qu'une seule langue, cela implique davantage de travail. Recruter des jeunes n'est pas non plus toujours évident. Nous ne pouvons sélectionner que huit candidat.e.s mais nous voulons le faire de manière qualitative. C’est notre mission. Et, bien sûr, il y a l'aspect financier mais c'est probablement un défi pour quiconque met en place de tels projets.

Quand estimez-vous que la démarche artistique est réussie ?

Lorsque le spectacle a bien marché et que tout le monde a passé un bon moment. Les jeunes sont alors vraiment fier.ère.s, et le stress se dissipe. Aussi, ça nous donne beaucoup de satisfaction de leur offrir une véritable opportunité de s'épanouir, d’élargir leur réseau, de nouer de nouvelles amitiés et d’acquérir des connaissances.

Offrez-vous un suivi aux participant.e.s ?

Nous continuons à soutenir tout le monde, même si le.la gagnant.e bénéficie de la plupart des avantages, tels qu'une séance d'enregistrement, une séance photo professionnelle et son propre matériel de promotion. Nous essayons également d'élargir le réseau qu'ils.elles ont commencé à créer et de les introduire dans d'autres réseaux.

Nous recherchons également d'autres opportunités de concert. Par exemple, l'un des finalistes de l'année dernière a bénéficié d'une résidence au Vaartkapoen. S'ils.elles recherchent un un endroit où travailler plus longtemps, ils.elles peuvent venir au centre communautaire.

Nous prenons aussi le temps d'évaluer l’expérience avec les partenaires et de chercher à améliorer les choses en vue d'une prochaine édition. Par ailleurs, nous tenons toujours compte du retour des participant.e.s.

Quels conseils donneriez-vous aux autres organisations qui cherchent à réaliser des projets artistiques pour les jeunes ?

  1. Soyez à l'écoute des jeunes et de leurs besoins
  2. Laissez-les goûter, essayer, tâtonner et se tromper. C'est comme ça qu’on apprend.
  3. Ne sous-estimez pas ce que les jeunes peuvent donner en retour à votre organisation ou votre projet.
  4. Donnez-leur une certaine indépendance et de la liberté au sein du projet.
  5. Prêtez attention au lien entre les jeunes. Essayez de le renforcer. C’est très important pour maintenir leur motivation et leur enthousiasme.
  6. Cherchez des partenaires ayant l'expertise adéquate, la coopération est la clé pour continuer à grandir et à apprendre, pour rester en contact avec le monde de votre public cible.